conte gisir 1
Un jour, alors que la panthère (alias De ngohou) était frappée par une disette grave et s’était retrouvée fort dépourvue de provisions, réunit sa petite maisonnée et dit à ses pairs : « la misère et la famine se sont installées chez nous. J’ai heureusement trouvé une astuce qui peut nous permettre de nous en sortir et de nous en éloigner ».
Le lendemain, le monde entier apprit fort amèrement la mort de De ngohou. De ngohou était un des chefs prestigieux et influents de la foret. L’annonce de sa disparition ne laissa aucun animal indifférent. La plupart des animaux de la terre accoururent les uns abattus et pleins de nostalgie, tandis que les autres restaient plutôt sceptiques quant à la véracité de ce malheur. Le doute sur l’éventualité de la disparition du vigoureux De ngohou les habitait. D’ailleurs ceux-ci le prenaient pour un vieux et dangereux roublard capable de manigancer une mise en scène déroutante.
Nzibou, l’antilope dormante, était le premier à aller s’enquérir de la situation. Il était arrivé cithare en mains, les larmes plein les yeux devant une assistance totalement triste, soumise et fidèle à la stratégie du grand chef. Le corps du sieur panthère gisait au milieu de la maison. Son corps était inerte et les torches de résine d’okoumé éclairaient la pièce d’une lueur terne. Tout autour de sa femme, ses enfants et toute sa tribu assistaient la mine amère tout en se léchant les babines.
Moumbwanga, l’antilope cheval, Doukakaga, le pangolin, Tsibitsi, le hérisson, Ngouya, le sanglier, Pagassa, le buffle, Makoyou le chacal et beaucoup d’autres étaient au rendez-vous également. Par compassion et pour des raisons de coopération, tous avaient tenu à assister dame panthère. Chacun se disant au fond du cœur : « aujourd’hui c’est elle, demain ce sera peut-être le tour de l’un d’entre nous ». D’ailleurs tous ces animaux –là n’avaient jamais eu l’occasion de se retrouver ensemble aussi nombreux que ce jour-là. C’est le cœur brisé et les larmes aux yeux que ces derniers avaient mis à profit ce jour pour se connaître.
Ensuite, était arrivé le tour de Nzahou l’éléphant. Le pachyderme n’avait pu faire son entrée à travers la restreinte porte de manière à aller se prosterner devant la dépouille. Un peu gêné, il laissa les autres et entra chez lui.
Enfin arriva un trio des kamikazes où l’on vit d’abord Foudou la tortue, ensuite Koumbi le lièvre et Tsiessi la gazelle. Chacun d’eux venait certainement avec réserve dans un état de méfiance affichée au cas où un coup de théâtre pourrait advenir. Le premier avait pris le risque d’y entrer avec l’idée de ne pas se faire découvrir car il avait réfléchi et mesuré l’ampleur du désordre qui pouvait survenir. Il préféra s’insérer dans les déchets et toutes les ordures de manières à être confondu à elles .
En revanche, le second avait décidé de creuser un trou pouvant le conduire jusque dans la maison où se trouvait le macabre cadavre. Parvenu dans la maison, il s’assit près de son trou par mesure de prudence. Le troisième avait apporté une petite aiguille qui lui servait de testeur afin de savoir si réellement son ami De ngohou était mort.